mercredi 28 septembre 2011

Zombi(e)s in Zanbyzar

Ce fut d’abord un cri au sein de l’azur éclatant, une trille insistante au creux des ténèbres, une mélopée rauque mais point sauvage s’insinuant entre les blés blonds comme l’orage. Une vague de sensations, sur l’écume des lèvres du monde, un ressac d’indignations, un flux et un reflux d’un chœur psychotique. Et ils furent là, au sein de l’enceinte où seuls les vents durant des décennies avaient léché de leurs airs moqueurs les anciennes inscriptions arrogantes d’une civilisation sur le déclin. Bourdonnants, fredonnant tels un essaim de frelons frelatés. Ceux qui, pourtant — qui m’aurait bien connu l’aurait su —  n’auraient jamais dû atteindre le saint des saints.

Nul ne l’ignore, parmi la foule des fanatiques compulsifs qui me suivent, et qui se chiffre, innombrable, à au moins... oh, bien trois personnes. Une foule, vous dis-je. Tous le savent. Le sachent en cachant au sachem le cachet des sachets enrubannés et enturbannés. La dernière forteresse est tombée. Elle qui résistait encore au chant funèbre des créatures venues de l’Hispaniola, là où dit-on le Colombus aurait posé le premier pied, ou le deuxième, voire le troisième. Les zombis. Chétives créatures plaintives dans l’île à la destinée tragique, devenues monstres affamées et sanguinaires dans un cinéma avide d’émotions fortes et de facilités.
Certes, pour vous, jeunes gens ignorant de la Sainte Histoire Nébuleuse, il n’y a là guère matière à exclamations, et encore moins à criailleries. Et vous vous dites, dans votre jeune impudence, que les Grands Anciens ont décidément perdu la boule. Moule. Poule. Coule... Mais qu’il boute donc la moule, et meule la boule, allons : enfin au fait ! exhortez-vous icelieu l’aède fatigué des discours et laïus censément sensés.
Comprenez-moi donc, jeunes insolents, hérétiques casuistes... Il y a encore quelques années de cela, si l’on m’avait dit que j’imaginerais des histoires clairement horrifiques, ouvertement sanglantes et sanguinolentes, et quelque peu épouvantables et éprouvantes... Je me fus certainement exclamé : « Fi donc, Marie-Germaine, hu hu hu, quelle adorable plaisanterie ! Vous avez un peu trop forcé sur la camomille... »
Oh, que non ! J’étais encore un être solaire, tout de blanc revêtu, et appartenant du camp du Bon, du Beau et du Bien. Et puis, comme le dit le proverbe, je suis passé du côté abscons de la farce. Car au triple B, je préférais bien sûr le triple A. Non point le triptyque « Amour, Abnégation, Abstinence » mais bien le « Avidité, Arrogance, Abêtissement », et donc... Zombis !

Oui, c'est effrayant, n'est-ce pas, un chevalier qui a la tête d'un zombi...
La Tentation de Sir Percival (Arthur Hacker)

Et maintenant que mes lecteurs les plus endurants ont vu leur abnégation trépasser face aux méandres de mon invention vagabonde, et qu’au pire ne conserve-je que les fous qui n’y saisiront mais, je puis donc vous toucher quelques mots de mes actuels projets zombifiants.

Zomzibar
Le premier, historiquement parlant (au deux sens du terme), pourrait s’intituler Zombies in Zanzibar, quoique l’intitulé que je lui ai trouvé et dont j’use désormais, après Périls en Zombardie, est Zomzibar. Un titre de travail qui en vaut un autre, et qui dit tout autant sur cette histoire, puisque, somme toute, les zombis y sont très secondaires (et plus conformes à l’image haïtienne d’origine qu’à celle d’Hollywood). Ne le répétez pas à l’esclave que j’ai trouvée pour mettre en images pieuses ce titre, elle croit encore travailler sur une adaptation du manuel slovaque d’un meuble ikéa, traduit vers le coréen depuis le quechua. Il serait certes fort cruel de la détromper. D’autant qu’elle produit des icônes très orthodoxes qui ravissent l’âme, ainsi que le goût de lucre du scénariste vendu et ventru, pendu et tendu, que je suis. Mais ne lui répétez point, non plus. Les dessinateurs sont allergiques aux compliments. Dès qu’ils en reçoivent, ils cessent aussitôt de travailler, pour se précipiter vers la plus proche taverne, et s’y soûler à coup de lait de chèvre fermenté. Les dessinateurs irlandais, eux, c’est encore pire. Ô drame de Tara. Eux, ils ont les pubs...

Ousque donc, public de fans, vous vous le demandez, mais de quoi c’est donc que ça cause, Zomzibar ? Et bien, fort logiquement, je vous dirais : de Zanzibar, et de zombis. Mais aussi de pirates, d’une Reine des Mers, d’émancipation d’esclaves, de luttes intestines parmi les Kubwa ou Bwana wa Hatma et de magie zanzibarienne versus magie égyptienne ou perse. Le tout dans une ambiance délétère servie par des personnages tout plus pourris les uns que les autres, à l’exception de quelques rares, très rares... exceptions. Il me semble néanmoins qu’il sera plus pertinent de leur consacrer un article spécifique, à ces charmants zombis, djinns, monstres, magiciens, à ce tendre et suave fils de p... de Lysander Egersfield-Cox, au « doux » Mjusi, à l’idéaliste Djem-Djem. Et à la pure Assunção Cruz (il ne s’agit ni d’ironie, ni d’antiphrase).

La Malkia al-Bahari

Mjusi
L’image suivante n’a pas pour sujet Zanzibar, mais Constantinople, cependant elle correspond parfaitement à l’esprit et à l’atmosphère du projet, aussi bien qu’à son époque. Et introduit, de plus, tout aussi parfaitement le projet suivant, Byzombia.

Clair de Lune sur le Bosphore (Edward Hoyer)
Byzombia
À nouveau un jeu de mots dans le titre, que l’on pourrait lire comme « Byzance & zombies ». Byzance, l’ancien nom de Constantinople, devenue Istanbul par la conquête ottomane (bien que le nom de Constantinople demeura employé pour la ville jusqu’à la fin de l’empire ottoman, en 1918).

Pour ce projet, qui en l’état est en recherche de pinceaux, crayons et stylets pour le faire vivre, je me contenterai donc paresseusement de reproduire le texte d’accroche déjà présenté ailleurs :

Sur la droite et au-devant, quelques ruelles étroites cernées de vieilles maisons en bois d’époque ottomane, typiques de cet Istanbul ancien et populaire qui a presque entièrement disparu ; sur la gauche, s’ouvrant entre les demeures, le début d’un large escalier que l’on devine sous l’épaisse couche de neige et doit mener à un étage supérieur de ce paysage urbain escarpé et vallonné, si charmant, et pourtant si propice à tous les guets-apens. Mais, sur l’immaculé manteau d’un blanc éclatant, pas une seule trace de pas. Pas un bruit, pas un cri...
Dans le ciel quelques flocons égarés volettent encore, qui viennent fondre sur ma paume ouverte, et j’hésite entre sourire comme un enfant qui ignorerait le monde, et pleurer comme un vieillard qui en aurait trop vu. Me revient soudain en mémoire l’anecdote de cet empereur du Japon recevant un vétéran des guerres du Nord, et lui demandant de décrire ses campagnes. Le vieil homme prend son souffle, et débute : « Un jour, alors que nous quittions le quartier général pour rejoindre la forteresse d’Akita, il neigeait légèrement et les hommes... ». Aussitôt l’empereur s’exclame : « Cela suffit ! L’image est élégante et remarquable, inutile d’y rien ajouter. Qu’on lui donne une pièce et qu’il s’en retourne ».
Comme j’aimerais qu’un empereur me congédie, et que je puisse à reculons sortir de la scène... Et sinon, pouvoir m’arrêter ici, m’allonger dans la neige, et mourir doucement.
Car Dame Neige et Seigneur Glacial vous engourdissent sans retour si vous avez le malheur de vous assoupir en leurs domaines, et c’est dans les bras de Morphée que l’on gagne l’Hadès. Oui, sinon... comme j’aimerais. Mais qui me dit qu’ils ne m’étriperont pas avant que la reine des glaces ne m’ait emporté ? Un rire cristallin et moqueur résonne soudain à mes oreilles. Je me retourne brusquement, l’index crispé sur la gâchette. Mais, rien. Symptôme de folie ? Je plisse les narines... N’est-ce pas une odeur citronnée ?
Les « zombies ».... Ce vague relent de citronnelle qu’ils exhalent. Qui aurait pu croire qu’un zombie sentirait bon ? Mais il n’y a pas un seul zombie à l’horizon, il m’aurait déjà assailli. Alors, seraient-ce... des ‘gobelins’ ? Je hume l’air. Cette fragrance musquée, un ‘troll’ ? Non, ce n’est que le relent des effluves du pétrole lourd du tanker échoué contre les piles du pont du Bosphore qui brûle encore.
Avançons donc... Mais voici que s’ouvre une ruelle sur la droite, et que...

Situé à Istanbul, dans un futur très proche, Byzombia vous contera donc la dantesque odyssée de Léandre Géraud, écrivain et critique gastronomique qui va découvrir ce que c’est que d’être pris pour plat de résistance par ses « semblables » devenus déments. Et, face aux hordes de « zombies, « gobelins », et enfin « trolls » et « lycanthropes » ou mystérieux « elfes », tenter de surnager dans les fourneaux de l’enfer, sans recettes de survie, au sein de cette mégalopole tentaculaire, qui mêle vieux quartiers historiques, palais et mosquées impériales, taudis, tours ultra-modernes et quartiers résidentiels proprets, s’étageant autour du magique Bosphore pris par les glaces de cette fin d’hiver où civilisation et humanité semblent s’effondrer d’un coup, en quelques secousses sanglantes et chaotiques.




 


(Toutes les images qui précédent sont issues de Panoramio, service associé à Google Maps)

Ailleurs et Demain
Que l’on me permette de reprendre le titre d’une célèbre collection de science-fiction pour évoquer mes autres projets « zombis ». Cela sera rapide.

Tout d’abord, l’on peut happer le regard vers l’Inde, et son envoûtante civilisation. J’y ai développé un petit quelque chose qui n’est pas à strictement parler un projet « zombi », mais se rapproche de l’esprit de Byzombia, consistant à opérer un « twist » pour renouveler le genre (du moins, permettez-moi de l’espérer et de l’ambitionner).

Enfin, l’on peut glisser par-delà les eaux vineuses de l’Océan, et atteindre les jungles mayas. Il se pourrait fort que quelque chose y prenne corps bientôt, entre esprit du Jaguar et délires apocalyptiques déjantés. Il est possible que je vous en dise plus bientôt, car c’est une collaboration percutante qui s’annonce, et que j’espère fructueuse. Que le Serpent à Plumes nous entende.

Et le tableau ne serait pas complet si je n’évoquais pas ici It’s Zombies’ Night, mon petit délire sexe & trash, que seuls quelques initiés ont eu le plaisir de découvrir (il s’agit d’une courte aventure, présentement en quatre planches, mais qui devrait en compter six ou huit, et pour l’instant rien de plus qu’un scénario découpé case par case, car pour une histoire de zombies, je ne pouvais faire moins qu’user du couperet et découper en fines lanières l’intrigue de stupre et de sang).

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