vendredi 9 septembre 2011

Le Dernier des Esclaves

Le Premier des Esclaves, la suite, donc...


Vous vous demandez certainement, ô foules innombrables qui attendez ma divine prose avec cet enthousiasme messianique qui seul se conçoit à mes yeux si humbles, si modestes, si... Vous vous demandez donc, mais qu’est-ce que c’est que c’est que Le Premier des Esclaves ? Vous vous doutez, je gage, qu’il ne s’agit point d’un traité sur la naissance de l’esclavage, quelque part entre le néolithique et l’ère historique. Pas plus qu’un essai sur la solitude du néo-bobo parisien confronté à l’inversion des rôles, ou plus exactement le partage des tâches ménagères, comme quoi en théorie c’est tellement bien de partager, chérie, mais c’était tout de même tellement mieux avant quand les femmes se coltinaient toutes ces tâches ingrates et si peu enthousiasmantes (il est sûr que, et sans vouloir plaisanter, « la première des esclaves » voilà qui ferait un bon titre quand à une histoire de la femme). Vous commencerez à vous en approcher s’il vous revient en mémoire cette maxime de Philippe II de Macédoine (le père d’Alexandre III, dit « le Grand »), qui disait que les rois sont esclaves de leur fonction. Car Le Premier des Esclaves c’est un peu cela : un roman d’aventure qui s’est mué en épopée « impériale ». Celle d’un jeune paysan de l’Attique, aux alentours de l’an mille avant notre ère, qui après avoir été esclave en Crète, puis participé à la création de la première démocratie à Chios, rencontrera la belle Nausicaa de Chypre, l’île d’Aphrodite, et finissant par s’immiscer dans les luttes entre Hittites et Égyptiens, deviendra pharaon, puis maître des empires hittites et babyloniens [dont il faut préciser qu’à l’époque, l’un n’existait plus (l’empire hittite), et l’autre, qui avait existé (l’empire babylonien d’Hammourabi, vers 1800 avant JC), n’existait pas encore (l’empire néo-babylonien de Nabuchodonosor, vers 600 avant JC), la faiblesse de mes sources expliquant ceci]. 
Enfin, cela c’était le programme « initial » : le récit (que je brodais au fil de l’eau, cela va de soi) s’étant achevé à la conquête de l’Égypte. Laquelle n’avait été en rien planifiée par le héros, Timon, mais tenait à un de ces hasards qui font tout le sel de la bonne aventure. Même l’épopée impériale, donc, restait fondamentalement un récit d’aventures. De l’Attique à l’Égypte, en passant par la Crète, Chypre, la « Syrie », ce ne sont qu’une série de hasards, coups du sort, coïncidences heureuses, ou désastres qui se transforment in fine en éclatants succès, mais sans que le narrateur (puisque le récit était narré à la première personne) en soit totalement responsable. En clair, ce n’est ni sa vista, ni son exceptionnel brio, ou son talent hors du commun, qui lui assurent la position qu’il finit par conquérir, mais la chance. Timon n’est donc pas une sorte de héros prométhéen qui créerait seul son destin, à la force de son poignet et de son intelligence, face aux forces hostiles, et aux vents contraires. S’il n’est certes pas dépourvu de qualités, s’il sait saisir les occasions qui se présentent à lui, Timon est autant le jouet du destin qu’il en est le maître, car il est fidèle à sa « matrice initiale ». Timon n’est qu’un petit paysan qui ne s’était jamais rêvé en roi. Mais les événements faisant lois, son ambition s’éveillera...

Il en va très différemment dans la seconde version du Premier des Esclaves, que je commençais à rédiger deux ans plus tard, alors que je m’ennuyais en attendant l’entrée en faculté d’histoire. Ce n’était, à nouveau, qu’un divertissement. Pas la moindre idée alors de viser un jour l’édition. Encore moins avec ce texte. Et ce d’autant moins qu’alors, l’idée même de devenir écrivain se résumait dans mon esprit plus tourné vers les métiers « sérieux », par une seule formule : « déchéance ». Oui, je sais, je vais en choquer certains (les rêveurs), en réjouir d’autres (les lucides), mais c’était exactement le terme que j’employais alors. Vous comprendrez dès lors pourquoi je vais désormais de par le monde un sac de jute sur les épaules et la tête couvertes de cendres. J’ai déchu... Je ne suis plus qu’un vile être sans foi ni loi, une larve qui ne mérite ni respect ni honneur, encore moins une quelconque compassion humaine. Car, oui mes frères et mes sœurs, j’ai fauté ! Mais pire encore, j’en suis fier !

Oh ! Mon dieu ! Il est en fier !

Bref, nous évoquions donc la différence majeure entre la première version et la seconde version : l’implication du hasard dans la destinée du héros. Dans la seconde version, puisqu’il me semblait tout de même extrêmement irréaliste qu’un homme bâtisse un empire sans l’avoir réellement voulu, et suite à une série de coups de chance (et même s’il était par ailleurs chef de guerre, et bon meneur d’hommes), qu’au contraire nul ne serait parvenu à un tel résultat s’il ne l’avait ardemment souhaité du plus profond de lui-même (j’en sens ici qui vont se gausser de la formule, comme si on pouvait « ardemment souhaiter du moins profond de soi-même », ou « légèrement souhaiter du plus profond de son sein à soi », vils moqueurs, va, hou ! On les conspue bien fort !)... Je disais donc, avant de m’égarer comme à mon habitude, maître des digressions que je suis, que puisqu’on ne peut décemment créer de toutes pièces un empire sans le désirer profondément, j’avais imaginé que mon héros, non seulement était issu de la noblesse (ce qui lui assure donc la formation au maniement des armes), mais de plus était persuadé avoir été dès son plus jeune âge distingué entre tous par la déesse Athéna (à qui j’avais donné le surnom d’Aphaïa, pour me rendre compte bien plus tard qu’il s’agit de celui d’une divinité bien réelle, celle de la cité d’Égine, rivale d’Athènes) dont il avait fait la rencontre dans un bois, à l’âge de cinq ans, et qui lui avait remis un petit bijou, une sorte de cylindre retenu par une chaînette et qui se portait au cou. Et puisque ce second récit n’était encore à mes yeux qu’une sorte d’aimable fantaisie, je puis donc vous avouer qu’à mon idée, cette rencontre avait bel et bien existé, mais qu’il s’agissait d’une extraterrestre (là encore, des esprits chagrins vont me rétorquer « mais pourquoi donc ‘une’ et pas ‘un’ ? Comment diable sais-tu que l’espèce est sexuée, et qu’est-ce qui te permets d’affirmer que, statistiquement, il y a de plus grandes chances qu’en l’an 800 avant JC un gamin ait rencontré une espèce sexuée humanoïde sexuée, plutôt qu’un alien indéfini ? » À ces sceptiques, je répondrai donc « parce que... »). Et, mieux encore, que ce « cadeau d’Athéna » devait survivre durant plus de trois mille ans, et passant de génération en génération, finalement retrouver sa « planète d’origine », puisque lors de mon second séjour en Irlande, je m’étais amusé à écrire l’ébauche d’un roman SF, une sorte de space opera, ou de planetary romance... Va savoir ce qu’il en est réellement du genre, puisque je n’en ai écrit que le début, et que, honnêtement, ce récit était bien moins original que Le Premier des Esclaves. Mais, de fait, en imaginant cette origine à ce bijou offert par « Athéna », je m’amusai à créer un lien entre les deux récits débutés en Irlande, la terre des aèdes qui n’ont pas besoin de whiskey pour nager dans une imagination délirante, ainsi que vous venez de vous en apercevoir.

Quant à cette première ébauche de roman SF, ou quant à la troisième version du Premier des Esclaves, qui devait porter nom de Timon Stratège ou la création d’un empire, il se puit que dans un accès de générosité inédit je condescende à répondre aux exigences de la foule en délire, et leur consacre une petite notule. Il se puit.. Si vous êtes bien sages, et faites bien vos devoirs à la maison. Cela va de soi.

Sources iconographiques :
Le Marché aux Esclaves de Gustave Boulanger.
Extrait de Dura Lex sed Lex de Paul Jean Gervais.

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